mardi 20 octobre 2009

Enracinement et Pratiques Sérieuses



Dans les arts internes chinois, on parle beaucoup plus du changement du corps et de l’esprit, ou plus exactement du changement du corps "avec" l’esprit (ou inversement), que des formes, des routines, des katas…

La différence avec l’externe, en laissant de côté le rapport à la contraction musculaire, est cette possibilité de changer une action isolée (du bras, par exemple) en une action globale du corps.

Cette dernière, contrairement à la force venant de l'externe, amène une vraie puissance dans l’action, la non fatigue de la partie du corps qui fait l’action et la possibilité de multiplier cette action.

La force du mouvement va faire toute la différence, car il sera alors impossible pour un adversaire de " parer " ou de " prendre " le coup tant il est destructeur.

La recherche de ce " corps total " est souvent au centre de chaque style interne chinois classique, j'entends par là chaque " style sérieux ".

Sans cette recherche de globalité et d’unité, on ne fait usage que de la force isolée qui nous ramène inévitablement à l’externe. Travailler l'externe est chouette aussi, à partir du moment où l'on sait ce qu'on fait, c’est encore une histoire de choix…

Celui qui s’entraîne aux arts internes avec une vision externe, ou inversement, va perdre du temps à faire n’importe quoi, et ne va aller nulle part.

Toute la base du vrai travail interne vient de la détente et de l’enracinement.

L’ enracinement amène la possibilité de rester centré malgré les "changements".

L'enracinement interne est donc cette aptitude à "changer" avec les "changements" du monde et dans une situation donnée. Cette écoute du monde, pour s'adapter, doit se faire dans une certaine densité, une certaine solidité, souples et vivantes.

Ce rapport au sol, pour faire sortir la force et "changer" est une nécessité, si on veut transformer sa perception des événements et ses gestes.

Les exercices sont une façon de "goûter" les fameux changements, pour parvenir à une liberté "adaptable" du corps tout "entier".

C'est pas simple, mais c'est cela l'interne.

Quelles que soient les facettes de l’entraînement interne, il faut avoir un rapport au sol qui permet d’unifier la force du corps. Ce travail peut se faire comme dans le Yi chuan, en restant debout, mais il existe bon nombre d’autres méthodes.

Je veux dire en matière de pratiques des arts internes chinois, pas de football américain ou de sumo.

Avez-vous aujourd'hui des pratiques qui vous ont apporté un enracinement ?

Transmettre la force de l'enracinement par le corps demande "d'apprendre à céder"...

Il suffit de pratiquer avec une intention et une force "légère et douce", qui "laisse l'énergie couler".

Mais c'est tellement complexe de ne pas mettre de force avec nos phantasmes guerriers...

Facile, mais difficile.

Pour ma part, une série de postures statiques, des exercices à deux et des exercices pour sortir le " jing ", la force, m’aident à m’enraciner.

Tous mes entraînements contiennent des gestes très lents et des moments de formes statiques.

Si elle demande un bon enracinement, une pratique interne sérieuse ne demandera en revanche pas d'obtenir un gabarit particulier.

Je ne pense pas qu'il faille devenir fort, faible ou maigre pour faire de l'interne.

Cependant, je ne peux pas dire non plus que la détente entraîne la perte de la masse musculaire. Que l'on soit musclé ou pas, la taille des épaules reste inchangée par exemple.

Si on conserve une pratique de "contact" régulière et sans retenue, les muscles restent les muscles, simplement on s'en sert d'une façon différente.

Dans ma lignée, dans mon style, il y a eu des costauds et des maigres, mais au fond, ils sont tous restés comme ils étaient à l'origine, épaules ou pas.

Wan Shujin avait des épaules rondes et "hypertrophiées", mon autre avatar, le vieux tout sec, Wan Laisheng, avait aussi les épaules rondes et proéminentes, même tout sec.

Beaucoup de gens qui font de l’interne se coupent de la réalité des combats (contacts) "violents", où les muscles travaillent dans le sens d'un " corps uni ". C'est leur meilleur prétexte pour justifier la faiblesse de leur corps.

Sans aller aussi loin que le combat, il suffit de manier les armes de façon " unie ", il en résulte alors une musculature particulière qui se note, tout en restant détendu par ailleurs.

Il existe une autre branche d’amis des arts de combat du Zhejian, près de Shanghai, qui font de la boxe du poing de coton. Ils ont des corps de gymnastes, secs et dessinés, mais ne s’entraînent pourtant que de façon interne et souple : c’est une branche 100% interne.

Je ne crois donc pas que les modifications corporelles se voient aussi bien quand on reste dans son système.

En revanche, si on change de système et que l'on passe du karaté, shaolin dur, lutte gréco-romaine aux styles internes chinois, là il va y avoir un changement évident !

Le corps récupère des erreurs passées et retourne vers " sa " normalité, vers une force détendue et souple.

Les arts de percussion amènent un épaississement et une tonicité particuliers des muscles, une sorte d’élasticité, de peau " latex ". Les arts de luttes rendent rond et lourd, enraciné.

Les arts internes sont souvent liés à la percussion, tout en restant à une distance courte de " sécurité ". Si les exercices et le combat sont combinés régulièrement, les muscles peuvent rester apparents, mais deviennent très rarement " hypertrophiés ".

Bury St Edmond, a good seminar

jeudi 8 octobre 2009

Le Taijiquan de la Famille Li

Le Taijiquan de Li Fangchen, ami de Du Xinwu, est une boxe ancienne dont le fondateur fut Yang Luchan (1799-1872).

Yang Luchan, forcé d'enseigner son art à une cour impériale qu'il abhorrait (des Manchous), le transforma pour ne transmettre sa forme personnelle qu'à sa famille.

Yang Luchan eu trois fils et le cadet, Yang Jianhou (1837-1917) qui eut comme disciple Li Fangchen, appris la forme ancienne de la boxe qui resta vivante mais cachée.

De son côté, le troisième fils de Yang Jianhou, Yang Cheng Fu (1883-1917), popularisa un exercice de santé basé sur les mouvements de l'art familial.

Ce qui les différencie est assez simple :

Dans la forme moderne, on apprend une chorégraphie d'inspiration martiale qui ne repose plus sur des nei gong, mais sur le geste lui-même.

Dans la forme ancienne, comme dans toutes les boxes de l'école interne, nombre de li gong (travail de la force), de nei gong (travail de la force interne) et d'exercices de combat se pratiquaient avant même d'apercevoir la forme.

L'aspect santé de la forme vient essentiellement de la pratique des nei gong et il faut savoir que l'aspect martial n'est pas contenu dedans.

Il y a trois niveaux d'étude dans le Taijiquan de la famille Li :

  •     Apprentissage des mouvements relatifs aux 13 postures,
  •     Pratique des exercices liés et des formes rapides,
  •     Maîtrise de la "longue boxe".

Il y a quatre principes de combat et quatre techniques de soutient :

  •     Peng : occuper l'espace,
  •     Lu : tirer,
  •     Jie : écraser,
  •     An : pousser.

Et les forces de :

  •     Coude : utilisation du coude pour le combat,
  •     Bousculer : "marcher à travers l'adversaire",
  •     Attraper : saisir et tordre,
  •     Séparer : déstabiliser et casser,

Ces huit concepts de combat se déroulent dans les cinq directions (13 postures).

Chaque principe, tel que Peng, possède une bonne douzaine de nei gong, li gong et exercices à deux pour être saisi et utilisable.

Après avoir compris et pratiqué les exercices de base pendant quelques semaines (…), on passe normalement aux exercices liés et aux formes rapides.

Il existe 16 exercices liés qui se composent des principes de combat et qui cherchent à développer la force d'impact dans différents angles. :

  •     Repousser
  •     Porter
  •     Lever
  •     Froisser
  •     Sceller
  •     Coller
  •     Percer
  •     Vriller
  •     Défoncer
  •     Enrouler
  •     Intercepter
  •     Griffer
  •     Briser
  •     Diriger
  •     Entraver
  •     Secouer

Les 12 formes rapides sont des petites formes de trois à cinq mouvements qui testent la force et la pénétration des concepts de combat dans la rapidité et le mouvement :

  •     Frappes rapides
  •     Coudes enchaînés
  •     Poussées fortes
  •     Projections rapides
  •     Griffer et froisser
  •     Paumes changeantes
  •     Aller dans le sens
  •     Aller contre le sens
  •     Destructions
  •     Contrôler et casser
  •     Conduire et percer
  •     Provoquer et coller

Ensuite, et seulement parce qu'on a acquis la connaissance de tout ce qui précède, on passe à l'acquisition d'une forme qui tient lieu de résumé de tout ce qui fut appris : la longue boxe.

Les mouvements enseignés dans cette forme sont une façon de travailler tout le style, s'il est connu évidemment :

  •     La façon de bouger comme dans les li gong,
  •     L'intention des nei gong,
  •     La lenteur des exercices de structure,
  •     La vitesse des exercices de fa jin,
  •     Les lignes de boxe des enchaînements de combat,
  •     Les groupes liés des petites formes rapides.

Il existe trois formes distinctes dans le Taijiquan de la famille Li :

  •     La "boxe longue",
  •     La "boxe spirale",
  •     Le "poing canon".

La boxe longue est une forme qui se pratique très lentement dans la phase d'apprentissage, mais qui doit se travailler à toutes les vitesses quand on a acquis les bases. Les accélérations et les changements de rythme développeront les qualités de déplacements pour le combat.

La boxe spirale est la particularité "cachée" de la boxe taiji de la famille Yang. C'est une forme qui développe les qualités martiales et "l'enroulement du chi" en vue de développer un corps puissant et en bonne santé. C'est la forme qui enseigne les fa jin de l'école.

Le poing canon est la forme de combat du style, une forme qui combine les forces internes et les déplacements pour une utilisation applicable. C'est avec cette forme que l'on applique les fa jin dans des applications de combat.

Il y a trois stades d'évolution au sein de l'apprentissage et de la pratique de la longue forme :

  •     Les bases : former la structure,
  •     Apprentissage : apprendre les formes,
  •     La pratique : acquérir la liberté.

Dans les bases, il est important de faire attention à 5 points :

  •     Détendre le corps et calmer l'esprit,
  •     Garder le corps droit,
  •     Faire attention à chaque détail technique,
  •     Garder le corps léger, agile et équilibré,
  •     Être détendu, naturel et souple.

Dans l'apprentissage, il y a trois points :

  •     Coordonner les mouvements à travers tout le corps,
  •     Bouger avec grâce, douceur et naturellement,
  •     Déplacer chaque parcelle du corps au cours de chaque mouvement.

Dans la phase de pratique nous distinguons trois points :

  •     Diriger le corps par une sensation consciente,
  •     Faire une distinction claire entre le vide et le plein (placement conscient du corps),
  •     Nourrir le corps par le chi et combiner la force interne et externe,
  •     Laisser aller le corps dans un mouvement uni dans le Shen (esprit).

Il y a dans notre école dix points importants pour la pratique du Taijiquan de la famille Li :

  •     Tenir la tête droite, être calme et naturel,
  •     Garder les épaules et les coudes vers le bas,
  •     Étirer les bras et vider la force des aisselles,
  •     Relâcher les doigts et libérer les poignets,
  •     Détendre la poitrine et occuper l'espace avec son dos,
  •     Décrisper la taille et redresser la colonne vertébrale,
  •     Lâcher les hanches et les fessiers,
  •     Maintenir la sensation du périnée et du centre,
  •     Garder les genoux fléchis et les hanches lâches,
  •     Conserver les genoux souples et les pieds enracinés dans le sol.

La Taijiquan est une boxe complète qui ne demande aucun ajout, c'est un style de la famille des arts internes, à ne pas confondre avec arts "mous"…